
Le fumoir, Marius Jauffret. Éditions Anne Carrière, septembre 2020, 192 pages.
Marius est mal dans sa peau. D’un mal-être qui ronge l’âme et dévore le corps. Alors, pour oublier un peu, il boit. Jusqu’à plus soif. Il avale quelques cachetons pour sombrer plus facilement. Sombrer et s’évader hors de soi. S’oublier. Un soir, il boit le verre de trop au bar du coin et s’étale de tout son long sur l’asphalte. Au réveil, son frère l’accompagne à Sainte-Anne, fameux hôpital psychiatrique du XIVe arrondissement de Paris.
Commence alors pour Marius la longue et pernicieuse décente dans les enfers de l’hospitalisation sous contrainte, ou HDT – hospitalisation à la demande d’un tiers. Enfermé entre les quatre murs de ce secteur fermé de l’hôpital, le seul endroit extérieur auquel il a accès, c’est le fumoir. On fume pour se sentir moins seul, on fume pour passer le temps, on fume pour se calmer. On fume parce qu’on a que ça à foutre.
Marius raconte les moments durant lesquels ils se sent pris au piège, ceux durant lesquels il a le sentiment qu’il ne sortira jamais de cet enfer. Il raconte l’abus de pouvoir de certains soignants, certains psychiatres. Là-bas, ils ne sont que des fous. On ne prend pas les fous au sérieux.
C’est un récit qui met mal à l’aise, qui met en lumière les manquements et défaillances du système de santé psychiatrique en France. On peine à croire qu’en France, à l’heure actuelle, de telles conditions d’hospitalisation soient encore possibles. Les manquements à la dignité et au respect de l’être humain, les moqueries, les chantages… bienvenue en HDT.
C’est noir, c’est brut et sans concession. Mais c’est une partie de la réalité de l’hospitalisation sous contrainte et il est grand temps d’en parler ouvertement. Marius Jauffret se confie, ses mots sont son exutoire, sa façon à lui d’élaborer, sa façon à lui de passer outre ce traumatisme.
Résumé éditeur
Chaque année en France, plus de 90.000 personnes sont hospitalisées sans leur accord en psychiatrie.
C’est cette expérience de privation de liberté que raconte Marius Jauffret dans ce livre sensible et touchant.
Jeune homme, alcoolique, Marius est un jour conduit aux urgences de Sainte-Anne par son frère.
À son réveil, il pense qu’il va passer quelques jours entre les murs de l’hôpital pour se remettre.
Jusqu’à ce qu’un médecin lui explique qu’il ne sortira… que lorsqu’il l’en jugera capable.
On lui a diagnostiqué (à tort) une maladie rare, le syndrome de Korsakoff.
Le voici prisonnier, isolé, dans ce lieu au temps suspendu en marge de la société.
Il nous raconte l’attente, le doute, la peur, les rencontres cocasses, tristes, ou tendres.
Marius Jauffret est né en 1989 à Paris. Le Fumoir est son premier livre.
Extrait
« Ce matin, j’ai commencé à écrire ce livre. Si je le terminais ce serait la preuve que ni l’asile ni l’alcool ne m’avaient détruit. »
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« – Comment vous faites pour plaisanter ? J’ai le ventre noué en permanence, moi. Je ne pense qu’à sortir.Je n’arrive pas à me changer les idées. J’ai vraiment rien à faire ici. Je suis un putain d’intrus ! Ce n’est pas possible ! Regardez-moi ? Mais qu’est-ce que j’ai fait ? »
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