« Mâchoires », Mónica Ojeda

Mâchoires, Mónica Ojeda. Éditions Gallimard, janvier 2022, 320 pages.

« Un grand crocodile dans la bouche duquel vous êtes – c’est ça, la mère. On ne sait pas ce qui peut lui prendre d’un coup, de refermer son clapet. C’est ça, le désir de la mère. » (Lacan)

Au Collège-Lycée bilingue Delta, High-School-for-Girls, il y a Miss Clara, hantée par le souvenir de cette mère pour qui chaque instant était propice à humilier et dévaloriser sa fille. Elle était enseignante. Alors, dans l’espoir d’enfin être dans ses bonnes grâces, Clara l’est devenue, elle aussi. Seulement, au Collège-Lycée Delta, High-School-for-Girls, il y a aussi une bande d’adolescentes qui prend un malin plaisir à harceler la jeune femme. Parmi elles, il y a Fernanda. Elle est belle et jeune et son insolence n’a d’égal que la fortune de ses parents. Véritable tête brûlée, elle n’a peur de rien, jusqu’au jour où elle se réveille pieds et poings liés dans une cabane isolée de tout, en pleine forêt, et qu’elle réalise que son bourreau n’est autre que sa professeure de lettres, Miss Clara

Au fil des pages, ce sont les vies de ces deux femmes, avec son lot de tourments, d’amour et de besoin de vengeances qui seront mises à nues, jusqu’à un dénouement magistral où Éros et Thanatos ne feront plus qu’un.

On pourrait aisément croire que Mâchoires n’est qu’un thriller psychologique angoissant qui voit une prof perdre pied face à des gosses de riches sans limites, mais il n’en est rien. Dans ce roman aux références multiples (et parfois complexes) à la psychanalyse, Mónica Ojeda dissèque les relations entre mères et filles, profs et élèves, sœurs ou meilleures amies et démontre à quel point le processus maternel et, souvent, passionnel est au cœur de chacune d’entre elles.

Mâchoires, comme ces dents que l’on aurait envie de planter dans l’être aimé. Parce que, quand on aime, on en mangerait tant l’autre est à croquer. Comme ce désir que l’on voudrait assouvir, comme cette bouche lacanienne que la mère rêve de refermer sur son enfant pour le protéger et le faire sien, entièrement.

Un roman magistral à ne pas manquer !

Traduction : Alba-Marina Escalón

Résumé éditeur
Citations

« Ce jour-là, Clara avait compris que la peur c’était comme être bannie à jamais de la chambre de sa mère. »

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« Être la fille, avait-elle compris avec le temps, revenait à être la mort de sa mère–tout le monde engendre son assassin, pensa-t-elle, mais seules les femmes en accouchent–et cette mort, elle l’emporte comme une graine dans sa profession, dans sa coiffure, dans ses vêtements et même dans ses gestes… »

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« Presque le silence », Julie Estève

Presque le silence, Julie Estève. Éditions Stock, janvier 2022, 208 pages.

Cassandre est rousse et frisée. Autant dire qu’elle cumule les tares. Être une enfant, c’est déjà pas facile tous les jours… alors quand t’es rousse, frisée, avec des tâches de rousseurs et que tes « camarades » de classe t’appellent le caniche, c’est l’horreur absolue. Pour couronner le tout, elle est raide dingue de Camille, le beau gosse gosse de l’école que toutes les filles s’arrachent… putain de cheveux et de taches de rousseur ! Un jour, las de subir son présent, elle décide de prendre les choses en mains et d’aller consulter un voyant. Le cartomancien lui révèle alors cinq prophéties qui bouleverseront le cours de sa vie. Les dés sont jetés, le jeu est pipé… peut-on réellement vivre notre vie pleinement lorsque l’on interprète tout en fonction de prédictions ?

Qu’on se le dise, cette histoire aurait pu partir dans tous les sens et ne donner naissance qu’à un énième roman mielleux sur la vie d’une femme qui n’ose la prendre à bras le corps pour l’investir pleinement. Sauf que ce serait bien mal connaître Julie Estève et sa puissance romanesque. Sous sa plume, Cassandre devient le miroir de toute une génération qui voit le monde entier s’effondrer, impuissante face à la force des éléments. Les tourments de son âme parleront à tous, parce que Cassandre traverse la vie comme nous tous, avec son lot de chagrins, de grandes joies, de traumatismes, de moments d’angoisse sans fin et d’amours vertigineux. Scindé en dix chapitres, comme autant de moments-clés de son existence, Presque le silence nous offre une fresque violente et d’une poésie incroyable sur l’urgence de vivre.

Véritable roman d’apprentissage, il met également en exergue l’urgence climatique et écologique à laquelle nous nous devons de faire face… sans quoi, c’est la folie d’un monde qui ne tourne plus rond qui nous guette.

Roman coup de poing, à l’écriture incisive et allégorique. Mon premier coup de foudre de cette rentrée littéraire.

Résumé éditeur

«  Les mots m’étranglent. J’ai mal  : tête, ventre, tout le temps. Je suis un calvaire de treize ans, un mètre cinquante, quarante kilos qui se brisent. Je ne ressemble à rien sinon à une laideur bizarre. Ce n’est pas avec cette gueule-là que je vais pécho Camille Leygues. Il est dans ma classe cette année et il me déteste, comme tout le monde. »
 
Cassandre est rousse, frisée et haïe des autres enfants. On l’appelle le Caniche. Elle aime Camille, un garçon très beau et fou de chevaux. Un jour, elle se rend chez un voyant pour connaître son avenir. Mais la séance tourne mal. Le cartomancien lui révèle cinq prophéties terrifiantes qui ne cesseront, au cours de sa vie, de la hanter.
 
Presque le silence  raconte la vie d’une femme en dix chapitres, de son enfance à sa mort. Une vie qui traverse dix grandes pertes, l’amour fou et les deuils. Une vie mêlée au sort des hommes, des animaux et des arbres où les tourments de l’âme sont les miroirs de l’effondrement du monde.

Un roman d’apprentissage, écologique et tragique, où l’intime déchire l’universel.

Citations

« Ma mère ne danse pas comme une mère. Elle danse et elle est un paysage. Elle danse et plus rien n’existe, les meubles moches, le carrelage pratique, ce putain de chat. Tout son corps fabrique l’évasion. »

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« Camille a gobé le bobard; les enfants n’ont aucun esprit critique. Je n’ai pas insisté auprès de lui parce que je voudrais qu’il m’embrasse avec la langue, et personne n’a envie de rouler une pelle à la vérité. »

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« La mort est un poulpe qui nage dans ma tête. »

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« Dix âmes, pas plus », Ragnar Jónasson

Diw âmes, pas plus, Ragnar Jónasson. Éditions de la Martinière, janvier 2022, 352 pages.

Découvert il y a quelques années, Ragnar Jónasson fait aujourd’hui partie de ces romanciers dont je ne louperai une sortie pour rien au monde ! Véritable conteur, cet auteur islandais ne cesse de se renouveler tout en gardant un thème cher à son coeur : le huis-clos. Et il se trouve que c’est justement ce qui me plaît le plus dans les polars, ce sentiment d’enfermement, de vase clos d’où il est impossible de s’échapper.

Dans son dernier roman, Ragnar Jónasson nous embarque à Skálar, petite bourgade isolée qui n’abrite que neuf habitants. Dix, si l’on compte Una, cette jeune femme qui décide de quitter Reykjavik pour devenir la maîtresse de deux fillettes, dans ce village qui semble retiré du monde.

Si chaque habitant semble nourrir à son encontre méfiance et animosité, le malaise d’Una s’intensifie lorsqu’elle commence à entendre des voix et voir une fillette dans la maison où elle loge. Petit à petit, la jeune femme se rend compte qu’elle ne peut faire confiance à aucun des habitants et que tous ne semblent attendre qu’une chose : qu’elle reparte pour la capitale sitôt la fin de son contrat. Un soir, un drame inattendu survient et vient mettre à mal cette petite communauté qui semble, en apparence, si soudée.

Ragnar Jónasson excelle dans l’art de créer des intrigues où la nature et la virulence des éléments règnent en maîtres. Dans chacun de ses romans, il sublime l’Islande et nous la présente comme une terre aussi hostile qu’hypnotisante de beauté. Cet auteur prolifique nous livre des récits à l’ambiance toujours sombre et dérangeante, véritables page-turner dont on se délecte jusqu’au bout de la nuit. Et « dix âmes, pas plus » ne fait pas exception !

Dévoré d’une traite, j’ai pris énormément de plaisir à me glisser dans cette étrange atmosphère où les apparences sont trompeuses et les non-dits nombreux. Et bien que ce roman se démarque de ses précédents de par un côté un peu surnaturel, j’ai à nouveau été totalement happée par l’histoire et ces personnages loin d’être fiables mais toujours aussi profondément humains.

Un nouveau coup de maître pour le roi du polar nordique !

Résumé éditeur
Un mort.
Neuf suspects.
Recherche professeur au bout du monde. Voici une petite annonce qui découragerait toute personne saine d’esprit. Pas Una. La jeune femme quitte Reykjavík pour Skálar, l’un des villages les plus reculés d’Islande, qui ne compte que dix habitants. Malgré l’hostilité des villageois. Malgré l’isolement vertigineux.
Là-bas, Una entend des voix et le son fantomatique d’une berceuse. Et bientôt, une mort brutale survient. Quels secrets cache ce village ? Jusqu’où iront ses habitants pour les protéger ?
Le maître du polar islandais, Ragnar Jónasson, est devenu l’un des romanciers internationaux les plus reconnus. Et c’est en France, un pays qu’il aime profondément, qu’il remporte le plus grand succès : plus d’un million de livres vendus. Il est l’auteur de la série mettant en scène l’enquêteur Ari Thór (dont le roman-phénomène Snjór) et de la trilogie à succès « La Dame de Reykjavík ». Grand lecteur d’Agatha Christie, il a aussi traduit la plupart de ses romans en islandais.
Citations

« Il fallait supporter l’hiver, l’obscurité, le froid, le climat hostile. Ce vent humide, souvent très violent. Pas d’endroit où s’abriter. Et lorsque la neige venait s’y ajoutait, c’était un véritable enfer. Vous le découvrirez bien assez tôt. »

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« Dans la pénombre environnante, il émanait de l’église une aura toute solennelle. Avec ses fenêtres illuminées de bougies, elle rappelait à Una la miniature que sa mère sortait toujours au moment des fêtes, simple et blanche et dans laquelle on pouvait glisser une ampoule afin qu’elle scintille tout le mois de décembre. »

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« Toucher la terre ferme », Julia Kerninon

Toucher la terre ferme, Julia Kerninon. Éditions L’Iconoclaste, janvier 2022, 87 pages.

Comme je l’aime, Julia Kerninon! À chaque lecture un peu plus qu’avant. Quelle plume limpide et affûtée. Quelle incroyable talent pour parler des sentiments, de la nature humaine, en toute simplicité mais toujours avec énormément de beauté. Je suis scotchée.

Ce très court récit est sans nul doute son écrit le plus personnel, dans lequel on retrouve pourtant tous les thèmes qui lui sont si chers en littérature : la maternité, l’amour, le couple, la féminité, l’amitié et les aspirations de chacun.

Julia Kerninon nous parle avec une limpidité incroyable de ses débuts en tant que mère. De la femme qu’elle a été et de celle qu’elle est désormais. De ce vertige abyssal qui prend aux tripes lorsque l’on devient responsable de quelqu’un d’autre que de soit même. De l’amour incommensurable qu’elle porte à ses enfants et son époux. Mais aussi de son besoin irrépressible de liberté et de moments à soi. De copines et de soirées enivrées loin de tout.

Julia Kerninon nous conte la femme qu’elle a été et celle qu’elle est devenue. Et comment concilier les deux. Elle nous conte, sans fard, ses aventures de jeunesse et sa façon d’aimer, entièrement, sans demi-mesure. Elle nous parle de féminité et de féminisme. De maternité et de sororité. De sexualité et d’amitiés.

C’est un récit authentique sans fard et sans jugement. Julia Kerninon se met à nu et nous dévoile ses failles. Et, ce faisant, elle devient à mes yeux une femme et une mère incroyable.

L’auteure signe ici un ouvrage aussi personnel qu’envoûtant, qui libère et apaise, qui désacralise et déculpabilise. Un ouvrage saisissant de justesse à lire de toute urgence.

Résumé éditeur

J’étais là, un bébé parfait dans les bras, et mon corps déchiré. Dans mon orgueil comme dans mon innocence, j’ai pensé que tout s’arrêtait, alors qu’au contraire, tout commençait.
Un soir de novembre, en pyjama sur le parking de la clinique, Julia Kerninon hésite à fuir. Son premier enfant vient de naître et, malgré le bonheur apparent, elle perd pied, submergée par les doutes et la peur des contraintes. Sa vie d’avant lui revient comme un appel au large : les amours passionnels, les nuits de liberté et les vagabondages sans fin.
Dans ce récit intime, Julia Kerninon plonge au cœur des sentiments ambigus de la maternité.
Elle confie ses tempêtes intérieures : Comment être mère ? Comment rester soi ?
Elle raconte cette longue traversée jusqu’à atteindre la terre ferme, où tout se réconcilie.

Extrait

« Pour moi, pourtant, c’était soit être quitte, soit les quitter. C’est aussi pour ça que j’ai fui. Je suis partie à l’étranger, et je suis progressivement devenue étrangère. Je suis partie dans d’autres pays, et je suis moi aussi devenue un autre pays. Je me suis fait un continent de désordre, de travail, d’écriture, de livres, un état de papiers de bonbons, de révolte et de bains chauds, de cendriers posés en équilibre sur la fenêtre et de petits déjeuners au lit. Je maitrise toujours la langue de mes parents, mais j’ai appris à en parler de nouvelles, j’ai appris à poser des questions, appris à tenir une conversation, appris à respecter mon désir, j’ai cessé d’être péremptoire, j’ai arrêté de penser que l’amour se méritait, arrêté de penser que j’étais responsable de tout. J’ai fait des choix. Je suis devenue quelqu’un. »

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« Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes », Lionel Shriver

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes, Lionel Shriver. Éditions Belfond, août 2021, 384 pages.

Lorsque Remington annonce à sa femme, Serenata, qu’il compte courir un marathon, cette dernière pique un fard, honteuse pour son mari. Il n’y arrivera jamais, le pauvre Remington. Lui qui n’a jamais fait de sport de sa vie, il est loin d’y arriver ! Et elle sait de quoi elle parle, Serenata. Elle qui courait tous les jours, bien avant que ce soit à la mode. D’ailleurs, elle a toujours été avant-gardiste… ce n’est pas de sa faute si elle a tout le temps un temps d’avance sur tout le monde. Et puis, faire comme tout le monde, se fondre dans la masse, devenir un mouton, non merci. Très peu pour elle.

Sauf que, Remington, s’il a bien une qualité, c’est la ténacité ! Il cout, il court, Remington ! Et ça l’énerve, ça l’énerve, Serenata. Qu’est-ce qu’il lui reste, à elle ? Après toutes ses années passées à faire du sport, elle n’a hérité que d’un genou qui se délite, arthroplastie à venir en prime !

Au fur et à mesure que Remington avale les kilomètres, la relation entre les deux s’étiole, pour ne devenir plus qu’une entente cordiale. Et la cohabitation devient carrément glaciale le jour où Remington embauche une coach, aussi autoritaire que sexy, qui répond au doux nom de Bambi…

Le génie de Lionel Shriver, c’est d’aborder des dizaines de thèmes qui, au fil des pages, vont venir se confronter les uns aux autres pour former un ensemble harmonieux et ingénieux. Dans ce roman dont on se délecte de la première à la dernière page, l’auteure aborde tour à tour la question du vieillissement, du culte du corps, du couple, de l’amour et de ce besoin constant et impitoyable de toujours devoir aller plus loin pour avoir le sentiment d’exister réellement.

C’est un roman dans l’ère du temps, plein d’ironie grinçante, qui cisaille nos sociétés actuelles avec beaucoup de réalisme et d’autodérision !

Alors, courez tous en librairie !

Résumé éditeur

Avec une plume plus incisive que jamais et un humour ravageur, Lionel Shriver livre un roman explosif sur un couple de sexagénaires en crise, dressant au passage un portrait mordant de nos sociétés obsédées par la santé et le culte du corps. Une bombe de provocation qui prouve, s’il le fallait encore, que Lionel Shriver est une des plus fines observatrices de notre temps
Un beau matin, au petit-déjeuner, Remington fait une annonce tonitruante à son épouse Serenata : cette année, il courra un marathon. Tiens donc ? Ce sexagénaire certes encore fringant mais pour qui l’exercice s’est longtemps résumé à faire les quelques pas qui le séparaient de sa voiture mettrait à profit sa retraite anticipée pour se mettre enfin au sport ? Belle ambition ! D’autant plus ironique que dans le couple, le plus sportif des deux a toujours été Renata jusqu’à ce que des problèmes de genoux ne l’obligent à la sédentarité.

Qu’à cela ne tienne, c’est certainement juste une passade.

Sauf que contre toute attente, Remington s’accroche. Mieux, Remington y prend goût. Les week-ends sont désormais consacrés à l’entraînement, sous la houlette de Bambi, la très sexy et très autoritaire coach. Et quand Remington commence à envisager très sérieusement de participer à un Iron Man, Serenata réalise que son mari, jadis débonnaire et volontiers empoté, a laissé place à un être arrogant et impitoyable. Face à cette fuite en avant sportive, leur couple résistera-t-il ?

Extrait

« Autrefois, si on voulait attirer les touristes, on créait un Salon du livre. Aujourd’hui, il n’y a pas une ville qui ne parraine un marathon. Ca attire beaucoup plus de monde»

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« Dans les publicités pharmaceutiques à la télévision, des seniors au visage carré et à l’épaisse chevelure poivre et sel rejoignaient des épouses avenantes en legging brillant et blouson assorti, une mèche grise dessinée par un coloriste en guise d’unique concession à la vieillesse. Dans toutes les publicités, et en dépit de l’affaiblissement provoqué par la maladie que les acteurs singeaient, les gens qui souffraient couraient le long d’une rivière, parcouraient des routes de campagne à vélo ou faisaient de la randonnée sur des chemins boisés. Ils riaient en permanence, ce qui vous demandaient en quoi cette activité trépidante était hilarante. »

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« Mon mari », Maud Ventura

Mon mari, Maud Ventura. Éditions L’Iconoclaste, Août 2021, 355 pages.

Rapidement, le lecteur se rendra compte qu’il s’agit moins d’une histoire d’amour que d’une histoire de folie, de mise en scène de chaque instant.

Parce que, voyez-vous, la narratrice aime follement son mari. Au point de se perdre elle-même, de s’effacer pour laisser place à un personnage qui, pense-t-elle, correspond en tout et pour tout aux attentes et fantasmes de son mari.

Le temps d’une semaine, Maud Venture plonge le lecteur dans le quotidien de cette femme, prof d’Anglais et traductrice, qui n’a d’yeux que pour celui dont elle est tombée éperdument amoureuse des années auparavant.

Lorsqu’elle nous avait présenté son roman dans les locaux des @ed_iconoclaste, elle nous avait dit que son postulat de départ était une question qu’elle s’était posée : à quoi ressemblerait la vie d’un couple si on s’aimait comme au premier jour, comme lors de la première rencontre ? Celle où nous tentons inlassablement de plaire, de ne pas faire d’impair, de paraître sous notre meilleur jour…

Au fil des jours, la tension monte et la folie s’installe. C’est dérangeant et déroutant. L’amour s’efface pour ne laisser place qu’à une relation mise en scène, digne d’un remake de « The Truman Show », car notre narratrice est bel et bien en constante représentation… jusqu’à la chute vertigineuse, malaisante et qui offre une tournure tout à fait glauque aux pages que le lecteur vient de tourner.

Maud Ventura nous offre un roman qui ne passera pas inaperçu, c’est certain: ça passe ou ça casse. Et nul doute que les avis seront tranchés.

Pour ma part, j’ai adoré. Et cette nouvelle plume française est à suivre de près. Il en fallait, de l’audace, pour écrire un premier roman aussi loin des convenances et de la bienséance. C’est aussi ça, la littérature, choquer et décontenancer !

L’âme humaine, ses multiples facettes et ses folies sans fin y sont disséquées à merveille … et vous savez à quel point j’aime lorsqu’il est question de folie humaine. Parce qu’à la fin, toujours cette même question : le fou est-il réellement fou ?

Alors, « Ciel, (lisez) “Mon mari” ! »

Résumé éditeur

« Excepté mes démangeaisons inexpliquées et ma passion dévorante pour mon mari, ma vie est parfaitement normale. Rien ne déborde. Aucune incohérence. Aucune manie. »

Elle a une vie parfaite. Une belle maison, deux enfants et l’homme idéal. Après quinze ans de vie commune, elle ne se lasse pas de dire  » mon mari « . Et pourtant elle veut plus encore : il faut qu’ils s’aiment comme au premier jour. Alors elle note méthodiquement ses  » fautes « , les peines à lui infliger, les pièges à lui tendre. Elle se veut irréprochable et prépare minutieusement chacun de leur tête-à-tête. Elle est follement amoureuse de son mari. Du lundi au dimanche, la tension monte, on rit,
on s’effraie, on flirte avec le point de rupture, on se projette dans ce théâtre amoureux.

Extrait

« Ses parents avaient mis Justine en garde, plusieurs fois. Mais il est difficile pour un enfant de sept ans de s’opposer à l’autorité d’un adulte; tout autant que d’identifier ses mensonges. »

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« Dans l’un des tiroirs de sa commode, sous une pile de vêtements, il choisit un survêtement avec capuche, en coton ouaté, aussi doux qu’une caresse; tout ce qu’il désirait était s’enfermer chez lui pendant des jours, sous une couverture, devant la télévision. Lire des romans, regarder des séries, ne plus répondre à ses e-mails ou à son téléphone. »

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