« La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. », Joyce Carol Oates

La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles, Joyce Carol Oates. Éditions Philippe Rey, octobre 2021, 923 pages.
Lorsque John Earle McLaren – l’époux, le père, le patriarche, l’idole, la référence, le fondateur, Whitey pour les intimes – meurt a l’hôpital après avoir été passé a tabac par la police d’Hammond, il laisse derrière lui une famille abasourdie, qui doit tenter de se reconstruire, malgré tout. Sa femme, Jessalyn, doit faire face a l’onde de choc qui l’assaille. D’une violence dont elle ne soupçonnait même pas l’existence. Quant à ses cinq enfants, ils gèrent leur deuil chacun à leur manière.
Cette histoire, c’est l’histoire de leur reconstruction et de leur envol. Car si chacun aimait profondément Whitey, nul doute qu’il jouissait d’une ascendance sur tous ses proches, même de façon inconsciente. À commencer par sa femme qui, bien que profondément amoureuse, se rend compte à soixante ans, que cela fait des années qu’elle ne vivait qu’à travers la dévotion qu’elle portait à son mari. Aujourd’hui, alors qu’elle ne rêve que de solitude et de temps pour elle, les cartes sont redistribuées et elle se retrouve, bien malgré elle, le nouveau pilier de cette famille endeuillée.
Cela va sans dire, JCO explore la psychologie de chacun des personnages avec une grande finesse. Sa façon de décrire les relations au sein de la fratrie, les jalousies et conflits qui s’y jouent sont incroyables de justesse. Elle maîtrise l’art de dire beaucoup en peu de mots à la perfection.
Pourtant, à mon sens, le roman souffre de quelques longueurs et redondances qui desservent le récit, notamment sur la fin. Étalée sur plus d’une année, la reconstruction de la famille McLaren s’essouffle peu à peu… et la dernière partie du roman est, à mon sens, de trop.
Cependant, JCO décrit avec beaucoup de justesse les douleurs psychologiques d’une famille face à la perte brutale et injuste de leur pilier et dresse un portrait sans concession d’une génération qui se veut bien sous tous rapports et qui, pourtant, accumule les préjugés sans gêne.
Une lecture intense, bien qu’un peu prolixe par certains côtés. J’en garde, cependant, un très bon souvenir.
Résumé éditeur
Octobre 2010. Quand John Earle McClaren, ancien maire respecté de Hammond, dans l’État de New York, aperçoit sur le bord de la route un individu à la peau foncée brutalisé par des agents de police, il se fait de son intervention un devoir moral. Car après tout, qui serait mieux placé que lui, homme blanc, puissant, pour s’interposer ? Alors qu’il tente de ramener les officiers à la raison, des coups de Taser l’envoient au sol. À soixante-sept ans, le choc est trop grand…
Que reste-t-il à une famille quand son seul point de ralliement était ce père aujourd’hui subitement enterré ? Désormais veuve, Jessalyn ne semble pas trouver la force nécessaire pour tenir, elle qui a toujours vécu au second plan, dévouée à son mari. Et une entente est-elle possible parmi les cinq enfants, cinq adultes si différents, englués dans le quotidien, préoccupés par leur vie de couple, pris dans leurs ambitions, leurs regrets et leurs secrets ? Après ce début sidérant, bien des surprises seront révélées au lecteur par une Joyce Carol Oates au sommet de son art.
Roman magistral sur la dislocation d’une famille et sa reconstruction, La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. est aussi un hymne à la force d’émancipation de ceux qu’on dit « faibles », de ceux qu’on ne remarque pas…
Citations
« Elle est devenue une somnambule. Le sommeil est sa vie, qu’elle traverse comme engourdie, sans rien voir, sans rien sentir, une sorte de vie sous-marine si minimale qu’on peut s’interroger sur ce qu’elle a véritablement de « vivant ». »
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« Elle pensa: « au moins suis-je blanche. » Elle n’imaginait pas ce qui se serait passé si elle avait été une personne de couleur, une femme de son âge, seule dans sa voiture dans Old Farm Road, à la merci de ce policier blanc. »
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